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L’ASSOMMOIR.

— Tenez, mettez donc des cristaux, j’en ai là, dit obligeamment la concierge.

Et elle vida dans le baquet de Gervaise le fond d’un sac de bicarbonate de soude, qu’elle avait apporté. Elle lui offrit aussi de l’eau de javelle ; mais la jeune femme refusa ; c’était bon pour les taches de graisse et les taches de vin.

— Je le crois un peu coureur, reprit madame Boche, en revenant à Lantier, sans le nommer.

Gervaise, les reins en deux, les mains enfoncées et crispées dans le linge, se contenta de hocher la tête.

— Oui, oui, continua l’autre, je me suis aperçue de plusieurs petites choses…

Mais elle se récria, devant le brusque mouvement de Gervaise qui s’était relevée, toute pâle, en la dévisageant.

— Oh ! non, je ne sais rien !… Il aime à rire, je crois, voilà tout… Ainsi, les deux filles qui logent chez nous, Adèle et Virginie, vous les connaissez, eh bien ! il plaisante avec elles, et ça ne va pas plus loin, j’en suis sûre.

La jeune femme, droite devant elle, la face en sueur, les bras ruisselants, la regardait toujours, d’un regard fixe et profond. Alors, la concierge se fâcha, s’appliqua un coup de poing sur la poitrine, en donnant sa parole d’honneur. Elle criait :

— Je ne sais rien, , quand je vous le dis !

Puis, se calmant, elle ajouta d’une voix doucereuse, comme on parle à une personne à qui la vérité ne vaudrait rien :

— Moi, je trouve qu’il a les yeux francs… Il vous épousera, ma petite, je vous le promets !

Gervaise s’essuya le front de sa main mouillée. Puis,