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L’ASSOMOIR.

sanglota, elle accusa Clémence de l’avoir brûlée exprès. L’ouvrière, qui était allée chercher un fer très chaud pour le devant de la chemise, la consola tout de suite en la menaçant de lui repasser les deux oreilles, si elle continuait. Cependant, elle avait fourré une laine sous le plastron, elle poussait lentement le fer, laissant à l’amidon le temps de ressortir et de sécher. Le devant de chemise prenait une raideur et un luisant de papier fort.

— Sacré mâtin ! jura Coupeau, qui piétinait derrière elle, avec une obstination d’ivrogne.

Il se haussait, riant d’un rire de poulie mal graissée. Clémence, appuyée fortement sur l’établi, les poignets retournés, les coudes en l’air et écartés, pliait le cou, dans un effort ; et toute sa chair nue avait un gonflement, ses épaules remontaient avec le jeu lent des muscles mettant des battements sous la peau fine, la gorge s’enflait, moite de sueur, dans l’ombre rose de la chemise béante. Alors, il envoya les mains, il voulut toucher.

— Madame ! madame ! cria Clémence, faites-le tenir tranquille, à la fin !… Je m’en vais, si ça continue. Je ne veux pas être insultée.

Gervaise venait de poser le bonnet de madame Boche sur un champignon garni d’un linge, et en tuyautait les dentelles, minutieusement, au petit fer. Elle leva les yeux juste au moment où le zingueur envoyait encore les mains, fouillant dans la chemise.

— Décidément, Coupeau, tu n’es pas raisonnable, dit-elle d’un air d’ennui, comme si elle avait grondé un enfant s’entêtant à manger ses confitures sans pain. Tu vas venir te coucher.

— Oui, allez vous coucher, monsieur Coupeau, ça vaudra mieux, déclara madame Putois.