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LES ROUGON-MACQUART.

les Lorilleux ; ils n’étaient pas méchants au fond, on s’entendrait très bien. Et, quand ils furent couchés, Coupeau dormait déjà qu’elle continuait ses aménagements intérieurs, sans avoir pourtant, d’une façon nette, consenti à louer.

Le lendemain, restée seule, elle ne put résister au besoin d’enlever le globe de la pendule et de regarder le livret de la Caisse d’épargne. Dire que sa boutique était là-dedans, dans ces feuillets salis de vilaines écritures ! Avant d’aller au travail, elle consulta madame Goujet, qui approuva beaucoup son projet de s’établir ; avec un homme comme le sien, bon sujet, ne buvant pas, elle était certaine de faire ses affaires et de ne pas être mangée. Au déjeuner, elle monta même chez les Lorilleux pour avoir leur avis ; elle désirait ne pas paraître se cacher de la famille. Madame Lorilleux resta saisie. Comment ! la Banban allait avoir une boutique, à cette heure ! Et, le cœur crevé, elle balbutia, elle dut se montrer très contente : sans doute, la boutique était commode, Gervaise avait raison de la prendre. Pourtant, lorsqu’elle se fut un peu remise, elle et son mari parlèrent de l’humidité de la cour, du jour triste des pièces du rez-de-chaussée. Oh ! c’était un bon coin pour les rhumatismes. Enfin, si elle était décidée à louer, n’est-ce pas ? leurs observations, bien certainement, ne l’empêcheraient pas de louer.

Le soir, Gervaise avouait franchement en riant qu’elle en serait tombée malade, si on l’avait empêchée d’avoir la boutique. Toutefois, avant de dire : C’est fait ! elle voulait emmener Coupeau voir les lieux et tâcher d’obtenir une diminution sur le loyer.

— Alors, demain, si ça te plaît, dit son mari. Tu