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LES ROUGON-MACQUART.

travail comme à son habitude. Il profita même de l’heure de son déjeuner, alla à la mairie faire sa déclaration. Pendant ce temps, madame Boche, prévenue, était accourue passer la journée auprès de Gervaise. Mais celle-ci, après dix heures de profond sommeil, se lamentait, disait déjà se sentir toute courbaturée de garder le lit. Elle tomberait malade, si on ne la laissait pas se lever. Le soir, quand Coupeau revint, elle lui conta ses tourments : sans doute elle avait confiance en madame Boche ; seulement ça la mettait hors d’elle de voir une étrangère s’installer dans sa chambre, ouvrir les tiroirs, toucher à ses affaires. Le lendemain, la concierge, en revenant d’une commission, la trouva debout, habillée, balayant et s’occupant du dîner de son mari. Et jamais elle ne voulut se recoucher. On se moquait d’elle, peut-être ! C’était bon pour les dames d’avoir l’air d’être cassées. Lorsqu’on n’était pas riche, on n’avait pas le temps. Trois jours après ses couches, elle repassait des jupons chez madame Fauconnier, tapant ses fers, mise en sueur par la grosse chaleur du fourneau.

Dès le samedi soir, madame Lorilleux apporta ses cadeaux de marraine : un bonnet de trente-cinq sous et une robe de baptême, plissée et garnie d’une petite dentelle, qu’elle avait eue pour six francs, parce qu’elle était défraîchie. Le lendemain, Lorilleux, comme parrain, donna à l’accouchée six livres de sucre. Ils faisaient les choses proprement. Même le soir, au repas qui eut lieu chez les Coupeau, ils ne se présentèrent point les mains vides. Le mari arriva avec un litre de vin cacheté sous chaque bras, tandis que la femme tenait un large flan acheté chez un pâtissier de la chaussée Clignancourt, très en renom. Seulement, les Lorilleux allèrent raconter leurs largesses dans tout le