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L’ASSOMMOIR.

tre au beau milieu du marbre, où elle aurait produit un effet magnifique. Sans le bébé qui venait, elle se serait peut-être risquée à acheter sa pendule. Enfin, elle renvoyait ça à plus tard, avec un soupir.

Le ménage vécut dans l’enchantement de sa nouvelle demeure. Le lit d’Étienne occupait le cabinet, où l’on pouvait encore installer une autre couchette d’enfant. La cuisine était grande comme la main et toute noire ; mais, en laissant la porte ouverte, on y voyait assez clair ; puis, Gervaise n’avait pas à faire des repas de trente personnes, il suffisait qu’elle y trouvât la place de son pot-au-feu. Quant à la grande chambre, elle était leur orgueil. Dès le matin, ils fermaient les rideaux de l’alcôve, des rideaux de calicot blanc ; et la chambre se trouvait transformée en salle à manger, avec la table au milieu, l’armoire et la commode en face l’une de l’autre. Comme la cheminée brûlait jusqu’à quinze sous de charbon de terre par jour, ils l’avaient bouchée ; un petit poêle de fonte, posé sur la plaque de marbre, les chauffait pour sept sous pendant les grands froids. Ensuite, Coupeau avait orné les murs de son mieux, en se promettant des embellissements : une haute gravure représentant un maréchal de France, caracolant avec son bâton à la main, entre un canon et un tas de boulets, tenait lieu de glace ; au-dessus de la commode, les photographies de la famille étaient rangées sur deux lignes, à droite et à gauche d’un ancien bénitier de porcelaine dorée, dans lequel on mettait les allumettes ; sur la corniche de l’armoire, un buste de Pascal faisait pendant à un buste de Béranger, l’un grave, l’autre souriant, près du coucou, dont ils semblaient écouter le tic tac. C’était vraiment une belle chambre.