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IV

Ce furent quatre années de dur travail. Dans le quartier, Gervaise et Coupeau étaient un bon ménage, vivant à l’écart, sans batteries, avec un tour de promenade régulier le dimanche, du côté de Saint-Ouen. La femme faisait des journées de douze heures chez madame Fauconnier, et trouvait le moyen de tenir son chez elle propre comme un sou, de donner la pâtée à tout son monde, matin et soir. L’homme ne se soûlait pas, rapportait ses quinzaines, fumait une pipe à sa fenêtre avant de se coucher, pour prendre l’air. On les citait, à cause de leur gentillesse. Et, comme ils gagnaient à eux deux près de neuf francs par jour, on calculait qu’ils devaient mettre de côté pas mal d’argent.

Mais, dans les premiers temps surtout, il leur fallut joliment trimer, pour joindre les deux bouts. Leur mariage leur avait mis sur le dos une dette de deux cents francs. Puis, ils s’abominaient, à l’hôtel Boncœur ; ils trouvaient ça dégoûtant, plein de sales fréquentations ; et ils rêvaient d’être chez eux, avec des meubles à eux, qu’ils soigneraient. Vingt fois, ils calculèrent la somme nécessaire ; ça montait, en chiffre rond, à trois cent cinquante francs, s’ils voulaient tout de suite n’être pas embarrassés pour serrer leurs