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L’ASSOMMOIR.

laisser la place à un ivrogne, tombé là, les quatre fers en l’air. Lorilleux se retourna, cherchant à raccommoder les choses.

— Nous allons vous conduire à votre porte, dit-il.

Mais madame Lorilleux, élevant la voix, trouvait ça drôle de passer sa nuit de noces dans ce trou infect de l’hôtel Boncœur. Est-ce qu’ils n’auraient pas dû remettre le mariage, économiser quatre sous et acheter des meubles, pour rentrer chez eux, le premier soir ? Ah ! ils allaient être bien, sous les toits, empilés tous les deux dans un cabinet de dix francs, où il n’y avait seulement pas d’air.

— J’ai donné congé, nous ne restons pas en haut, objecta Coupeau timidement. Nous gardons la chambre de Gervaise, qui est plus grande.

Madame Lorilleux s’oublia, se tourna d’un mouvement brusque.

— Ça, c’est plus fort ! cria-t-elle. Tu vas coucher dans la chambre à la Banban !

Gervaise devint toute pâle. Ce surnom, qu’elle recevait à la face pour la première fois, la frappait comme un soufflet. Puis, elle entendait bien l’exclamation de sa belle-sœur : la chambre à la Banban, c’était la chambre où elle avait vécu un mois avec Lantier, où les loques de sa vie passée traînaient encore. Coupeau ne comprit pas, fut seulement blessé du surnom.

— Tu as tort de baptiser les autres, répondit-il avec humeur. Tu ne sais pas, toi, qu’on t’appelle Queue-de-Vache, dans le quartier, à cause de tes cheveux. , ça ne te fait pas plaisir, n’est-ce pas ?… Pourquoi ne garderions-nous pas la chambre du premier ? Ce soir, les enfants n’y couchent pas, nous y serons très bien.