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LES ROUGON-MACQUART.

continuait à ronfler, dans l’affreux charivari des enfants.

— C’est prêt ! y êtes-vous, là-haut ? cria la Maheude.

Elle avait rabattu les volets, secoué le feu, remis du charbon. Son espoir était que le vieux n’eût pas englouti toute la soupe. Mais elle trouva le poêlon torché, elle fit cuire une poignée de vermicelle, qu’elle tenait en réserve depuis trois jours. On l’avalerait à l’eau, sans beurre ; il ne devait rien rester de la lichette de la veille ; et elle fut surprise de voir que Catherine, en préparant les briquets, avait fait le miracle d’en laisser gros comme une noix. Seulement, cette fois, le buffet était bien vide : rien, pas une croûte, pas un fond de provision, pas un os à ronger. Qu’allaient-ils devenir, si Maigrat s’entêtait à leur couper le crédit, et si les bourgeois de la Piolaine ne lui donnaient pas cent sous ? Quand les hommes et la fille reviendraient de la fosse, il faudrait pourtant manger ; car on n’avait pas encore inventé de vivre sans manger, malheureusement.

— Descendez-vous, à la fin ! cria-t-elle en se fâchant. Je devrais être partie.

Lorsque Alzire et les enfants furent là, elle partagea le vermicelle dans trois petites assiettes. Elle, disait-elle, n’avait pas faim. Bien que Catherine eût déjà passé de l’eau sur le marc de la veille, elle en remit une seconde fois et avala deux grandes chopes d’un café tellement clair, qu’il ressemblait à de l’eau de rouille. Ça la soutiendrait tout de même.

— Écoute, répétait-elle à Alzire, tu laisseras dormir ton grand-père, tu veilleras bien à ce que Estelle ne se casse pas la tête, et si elle se réveillait, si elle gueulait trop, tiens ! voici un morceau de sucre, tu le ferais fondre, tu lui en donnerais des cuillerées… Je sais que tu es raisonnable, que tu ne le mangeras pas.

— Et l’école, maman ?