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GERMINAL.

alignaient des rampes de flammes rouges ; tandis que les deux tours, plus à gauche, brûlaient toutes bleues en plein ciel, comme des torches géantes. C’était d’une tristesse d’incendie, il n’y avait d’autres levers d’astres, à l’horizon menaçant, que ces feux nocturnes des pays de la houille et du fer.

— Vous êtes peut-être de la Belgique ? reprit derrière Étienne le charretier, qui était revenu.

Cette fois, il n’amenait que trois berlines. On pouvait toujours culbuter celles-là : un accident arrivé à la cage d’extraction, un écrou cassé, allait arrêter le travail pendant un grand quart d’heure. En bas du terri, un silence s’était fait, les moulineurs n’ébranlaient plus les tréteaux d’un roulement prolongé. On entendait seulement sortir de la fosse le bruit lointain d’un marteau, tapant sur de la tôle.

— Non, je suis du Midi, répondit le jeune homme.

Le manœuvre, après avoir vidé les berlines, s’était assis à terre, heureux de l’accident ; et il gardait sa sauvagerie muette, il avait simplement levé de gros yeux éteints sur le charretier, comme gêné par tant de paroles. Ce dernier, en effet, n’en disait pas si long d’habitude. Il fallait que le visage de l’inconnu lui convînt et qu’il fût pris d’une de ces démangeaisons de confidences, qui font parfois causer les vieilles gens tout seuls, à haute voix.

— Moi, dit-il, je suis de Montsou, je m’appelle Bonnemort.

— C’est un surnom ? demanda Étienne étonné.

Le vieux eut un ricanement d’aise, et montrant le Voreux :

— Oui, oui… On m’a retiré trois fois de là-dedans en morceaux, une fois avec tout le poil roussi, une autre avec de la terre jusque dans le gésier, la troisième avec le ventre gonflé d’eau comme une grenouille… Alors,