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LES ROUGON-MACQUART.

— Comment, partie ?

— Oui, partie avec un mineur du Pas-de-Calais. J’ai eu peur qu’elle ne me laissât les deux mioches. Mais non, elle les a emportés… Hein ? une femme qui crache le sang et qui a l’air continuellement d’avaler sa langue !

Elle rêva un instant, puis elle continua d’une voix lente :

— En a-t-on dit sur mon compte !… Tu te souviens, on disait que je couchais avec toi. Mon Dieu ! après la mort de mon homme, ça aurait très bien pu arriver, si j’avais été plus jeune, n’est-ce pas ? Mais, aujourd’hui, j’aime mieux que ça ne se soit pas fait, car nous en aurions du regret pour sûr.

— Oui, nous en aurions du regret, répéta Étienne simplement.

Ce fut tout, ils ne parlèrent pas davantage. Une cage l’attendait, on l’appelait avec colère, en la menaçant d’une amende. Alors, elle se décida, elle lui serra la main. Très ému, il la regardait toujours, si ravagée et finie, avec sa face livide, ses cheveux décolorés débordant du béguin bleu, son corps de bonne bête trop féconde, déformée sous la culotte et la veste de toile. Et, dans cette poignée de main dernière, il retrouvait encore celle des camarades, une étreinte longue, muette, qui lui donnait rendez-vous pour le jour où l’on recommencerait. Il comprit parfaitement, elle avait au fond des yeux sa croyance tranquille. À bientôt, et cette fois, ce serait le grand coup.

— Quelle nom de Dieu de feignante ! cria Pierron.

Poussée, bousculée, la Maheude s’entassa au fond d’une berline, avec quatre autres. On tira la corde du signal pour taper à la viande, la cage se décrocha, tomba dans la nuit ; et il n’y eut plus que la fuite rapide du câble.

Alors, Étienne quitta la fosse. En bas, sous le hangar du criblage, il aperçut un être assis par terre, les jam-