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GERMINAL.

taient, en disant qu’ils étaient bons juges de leur sécurité, il s’emporta.

— Allons donc ! quand vous aurez la tête broyée, est-ce que c’est vous qui en supporterez les conséquences ? Pas du tout ! ce sera la Compagnie, qui devra vous faire des pensions, à vous ou à vos femmes… Je vous répète qu’on vous connaît : pour avoir deux berlines de plus le soir, vous donneriez vos peaux.

Maheu, malgré la colère dont il était peu à peu gagné, dit encore posément :

— Si l’on nous payait assez, nous boiserions mieux.

L’ingénieur haussa les épaules, sans répondre. Il avait achevé de descendre le long de la taille, il conclut seulement d’en bas :

— Il vous reste une heure, mettez-vous tous à la besogne ; et je vous avertis que le chantier a trois francs d’amende.

Un sourd grognement des haveurs accueillit ces paroles. La force de la hiérarchie les retenait seule, cette hiérarchie militaire qui, du galibot au maître-porion, les courbait les uns sous les autres. Chaval et Levaque pourtant eurent un geste furieux, tandis que Maheu les modérait du regard et que Zacharie haussait gouailleusement les épaules. Mais Étienne était peut-être le plus frémissant. Depuis qu’il se trouvait au fond de cet enfer, une révolte lente le soulevait. Il regarda Catherine résignée, l’échine basse. Était-ce possible qu’on se tuât à une si dure besogne, dans ces ténèbres mortelles, et qu’on n’y gagnât même pas les quelques sous du pain quotidien ?

Cependant Négrel s’en allait avec Dansaert, qui s’était contenté d’approuver d’un mouvement continu de la tête. Et leurs voix, de nouveau, s’élevèrent : ils venaient de s’arrêter encore, ils examinaient le boisage de la galerie, dont les haveurs avaient l’entretien sur une longueur de dix mètres, en arrière de la taille.