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GERMINAL.

crèvera le premier, à moins qu’on ne vienne, ce qui me semble difficile.

Le jeune homme reprit :

— Si nous tapions, on nous entendrait peut-être.

— J’en suis las, de taper… Tiens ! essaie toi-même avec cette pierre.

Étienne ramassa le morceau de grès, que l’autre avait émietté déjà, et il battit contre la veine, au fond, le rappel des mineurs, le roulement prolongé, dont les ouvriers en péril signalent leur présence. Puis, il colla son oreille, pour écouter. À vingt reprises, il s’entêta. Aucun bruit ne répondait.

Pendant ce temps, Chaval affecta de faire froidement son petit ménage. D’abord, il rangea ses trois lampes contre le mur : une seule brûlait, les autres serviraient plus tard. Ensuite, il posa sur une pièce du boisage les deux tartines qu’il avait encore. C’était le buffet, il irait bien deux jours avec ça, s’il était raisonnable. Il se tourna, en disant :

— Tu sais, Catherine, il y en aura la moitié pour toi, quand tu auras trop faim.

La jeune fille se taisait. Cela comblait son malheur, de se retrouver entre ces deux hommes.

Et l’affreuse vie commença. Ni Chaval ni Étienne n’ouvraient la bouche, assis par terre, à quelques pas. Sur la remarque du premier, le second éteignit sa lampe, un luxe de lumière inutile ; puis, ils retombèrent dans leur silence. Catherine s’était couchée près du jeune homme, inquiète des regards que son ancien galant lui jetait. Les heures s’écoulaient, on entendait le petit murmure de l’eau montant sans cesse ; tandis que, de temps à autre, des secousses profondes, des retentissements lointains annonçaient les derniers tassements de la mine. Quand la lampe se vida et qu’il fallut en ouvrir une autre, pour l’allumer, la peur du grisou les agita un instant ; mais ils