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LES ROUGON-MACQUART.

voisine, s’ils y arrivaient avant que le passage fût coupé, les emportait maintenant. Les vingt se bousculaient à la file, tenant leurs lampes en l’air, pour que l’eau ne les éteignît pas. Heureusement, la galerie s’élevait d’une pente insensible, ils allèrent pendant deux cents mètres, luttant contre le flot, sans être gagnés davantage. Des croyances endormies se réveillaient dans ces âmes éperdues, ils invoquaient la terre, c’était la terre qui se vengeait, qui lâchait ainsi le sang de la veine, parce qu’on lui avait tranché une artère. Un vieux bégayait des prières oubliées en priant ses pouces en dehors, pour apaiser les mauvais esprits de la mine.

Mais, au premier carrefour, un désaccord éclata. Le palefrenier voulait passer à gauche, d’autres juraient qu’on raccourcirait, si l’on prenait à droite. Une minute fut perdue.

— Eh ! laissez-y la peau, qu’est-ce que ça me fiche ! s’écria brutalement Chaval. Moi, je file par là.

Il prit la droite, deux camarades le suivirent. Les autres continuèrent à galoper derrière le père Mouque, qui avait grandi au fond de Réquillart. Pourtant, il hésitait lui-même, ne savait par où tourner. Les têtes s’égaraient, les anciens ne reconnaissaient plus les voies, dont l’écheveau s’était comme embrouillé devant eux. À chaque bifurcation, une incertitude les arrêtait court, et il fallait se décider pourtant.

Étienne courait le dernier, retenu par Catherine, que paralysaient la fatigue et la peur. Lui, aurait filé à droite, avec Chaval, car il le croyait dans la bonne route ; mais il l’avait lâché, quitte à rester au fond. D’ailleurs, la débandade continuait, des camarades avaient encore tiré de leur côté, ils n’étaient plus que sept derrière le vieux Mouque.

— Pends-toi à mon cou, je te porterai, dit Étienne à la jeune fille, en la voyant faiblir.