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GERMINAL.

terrains changeait tous les vingt mètres. Il fallait être juste, on ne pouvait rien prévoir. Puis, les deux autres continuant à déblatérer contre les chefs, il devint inquiet, il regarda autour de lui.

— Chut ! en voilà assez !

— Tu as raison, dit Levaque, qui baissa également la voix. C’est malsain.

Une obsession des mouchards les hantait, même à cette profondeur, comme si la houille des actionnaires, encore dans la veine, avait eu des oreilles.

— N’empêche, ajouta très haut Chaval d’un air de défi, que si ce cochon de Dansaert me parle sur le ton de l’autre jour, je lui colle une brique dans le ventre… Je ne l’empêche pas, moi, de se payer les blondes qui ont la peau fine.

Cette fois, Zacharie éclata. Les amours du maître-porion et de la Pierronne étaient la continuelle plaisanterie de la fosse. Catherine elle-même, appuyée sur sa pelle, en bas de la taille, se tint les côtes et mit d’une phrase Étienne au courant ; tandis que Maheu se fâchait, pris d’une peur qu’il ne cachait plus.

— Hein ? tu vas te taire !… Attends d’être tout seul, si tu veux qu’il t’arrive du mal.

Il parlait encore, lorsqu’un bruit de pas vint de la galerie supérieure. Presque aussitôt, l’ingénieur de la fosse, le petit Négrel, comme les ouvriers le nommaient entre eux, parut en haut de la taille, accompagné de Dansaert, le maître-porion.

— Quand je le disais ! murmura Maheu. Il y en a toujours là, qui sortent de la terre.

Paul Négrel, neveu de M. Hennebeau, était un garçon de vingt-six ans, mince et joli, avec des cheveux frisés et des moustaches brunes. Son nez pointu, ses yeux vifs, lui donnaient un air de furet aimable, d’une intelligence sceptique, qui se changeait en une autorité cassante,