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GERMINAL.

d’autres ventilateurs. Toutes les vingt minutes, les haveurs se relayaient. On avançait, deux mètres à peine les séparaient des camarades. Mais, à présent, ils travaillaient le froid au cœur, tapant dur uniquement par vengeance ; car les bruits avaient cessé, le rappel ne sonnait plus sa petite cadence claire. On était au douzième jour des travaux, au quinzième de la catastrophe ; et, depuis le matin, un silence de mort s’était fait.

Le nouvel accident redoubla la curiosité de Montsou, les bourgeois organisaient des excursions, avec un tel entrain, que les Grégoire se décidèrent à suivre le monde. On arrangea une partie, il fut convenu qu’ils se rendraient au Voreux dans leur voiture, tandis que madame Hennebeau y amènerait dans la sienne Lucie et Jeanne. Deneulin leur ferait visiter son chantier, puis on rentrerait par Réquillart, où ils sauraient de Négrel à quel point exact en étaient les galeries, et s’il espérait encore. Enfin, on dînerait ensemble le soir.

Lorsque, vers trois heures, les Grégoire et leur fille Cécile descendirent devant la fosse effondrée, ils y trouvèrent madame Hennebeau, arrivée la première, en toilette bleu-marine, se garantissant, sous une ombrelle, du pâle soleil de février. Le ciel, très pur, avait une tiédeur de printemps. Justement, M. Hennebeau était là, avec Deneulin ; et elle écoutait d’une oreille distraite les explications que lui donnait ce dernier sur les efforts qu’on avait dû faire pour endiguer le canal. Jeanne, qui emportait toujours un album, s’était mise à crayonner, enthousiasmée par l’horreur du motif ; pendant que Lucie, assise à côté d’elle sur un débris de wagon, poussait aussi des exclamations d’aise, trouvant ça « épatant ». La digue, inachevée, laissait passer des fuites nombreuses, dont les flots d’écume roulaient, tombaient en cascade dans l’énorme trou de la fosse engloutie. Pourtant, ce cratère se vidait, l’eau bue par les terres baissait,