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GERMINAL.

qui commençait, douze fois vingt-quatre heures sans pain, sans feu, dans ces ténèbres glaciales ! Cette abominable idée mouillait les paupières, raidissait les bras à la besogne. Il semblait impossible que des chrétiens vécussent davantage, les coups lointains s’affaiblissaient depuis la veille, on tremblait à chaque instant de les entendre s’arrêter.

Régulièrement, la Maheude venait toujours s’asseoir à la bouche du puits. Elle amenait, entre ses bras, Estelle qui ne pouvait rester seule du matin au soir. Heure par heure, elle suivait ainsi le travail, partageait les espérances et les abattements. C’était, dans les groupes qui stationnaient, et jusqu’à Montsou, une attente fébrile, des commentaires sans fin. Tous les cœurs du pays battaient là-bas, sous la terre.

Le neuvième jour, à l’heure du déjeuner, Zacharie ne répondit pas, lorsqu’on l’appela pour le relais. Il était comme fou, il s’acharnait avec des jurons. Négrel, sorti un instant, ne put le faire obéir ; et il n’y avait même là qu’un porion, avec trois mineurs. Sans doute, Zacharie, mal éclairé, furieux de cette lueur vacillante qui retardait sa besogne, commit l’imprudence d’ouvrir sa lampe. On avait pourtant donné des ordres sévères, car des fuites de grisou s’étaient déclarées, le gaz séjournait en masse énorme, dans ces couloirs étroits, privés d’aérage. Brusquement, un coup de foudre éclata, une trombe de feu sortit du boyau, comme de la gueule d’un canon chargé à mitraille. Tout flambait, l’air s’enflammait ainsi que de la poudre, d’un bout à l’autre des galeries. Ce torrent de flamme emporta le porion et les trois ouvriers, remonta le puits, jaillit au grand jour en une éruption, qui crachait des roches et des débris de charpente. Les curieux s’enfuirent, la Maheude se leva, serrant contre sa gorge Estelle épouvantée.

Lorsque Négrel et les ouvriers revinrent, une colère