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LES ROUGON-MACQUART.

solu de tout abandonner le soir. À midi, après le déjeuner, lorsqu’il revint avec ses hommes, pour tenter un dernier effort, il fut surpris de voir Zacharie sortir de la fosse, très rouge, gesticulant, criant :

— Elle y est ! elle m’a répondu ! Arrivez, arrivez donc !

Il s’était glissé par les échelles, malgré le gardien, et il jurait qu’on avait tapé, là-bas, dans la première voie de la veine Guillaume.

— Mais nous avons déjà passé deux fois où vous dites, fit remarquer Négrel incrédule. Enfin, nous allons bien voir.

La Maheude s’était levée ; et il fallut l’empêcher de descendre. Elle attendait tout debout, au bord du puits, les regards dans les ténèbres de ce trou.

En bas, Négrel tapa lui-même trois coups, largement espacés ; puis, il appliqua son oreille contre le charbon, en recommandant aux ouvriers le plus grand silence. Pas un bruit ne lui arriva, il hocha la tête : évidemment, le pauvre garçon avait rêvé. Furieux, Zacharie tapa à son tour ; et lui entendait de nouveau, ses yeux brillaient, un tremblement de joie agitait ses membres. Alors, les autres ouvriers recommencèrent l’expérience, les uns après les autres : tous s’animaient, percevaient très bien la lointaine réponse. Ce fut un étonnement pour l’ingénieur, il colla encore son oreille, finit par saisir un bruit d’une légèreté aérienne, un roulement rythmé à peine distinct, la cadence connue du rappel des mineurs, qu’ils battent contre la houille, dans le danger. La houille transmet les sons avec une limpidité de cristal, très loin. Un porion qui se trouvait là n’estimait pas à moins de cinquante mètres le bloc dont l’épaisseur les séparait des camarades. Mais il semblait qu’on pût déjà leur tendre la main, une allégresse éclatait. Négrel dut commencer à l’instant les travaux d’approche.