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GERMINAL.

meuraient là, stupides, sans penser à changer de vêtements, retenus par une fascination de la peur, en face de ce trou effrayant où ils avaient failli rester. Les femmes, éperdues autour d’eux, les suppliaient, les interrogeaient, demandaient les noms. Est-ce que celui-ci en était ? et celui-là ? et cet autre ? Ils ne savaient pas, ils balbutiaient, ils avaient de grands frissons et des gestes de fous, des gestes qui écartaient une vision abominable, toujours présente. La foule augmentait rapidement, une lamentation montait des routes. Et, là-haut, sur le terri, dans la cabane de Bonnemort, il y avait, assis par terre, un homme, Souvarine, qui ne s’était pas éloigné, et qui regardait.

— Les noms ! les noms ! criaient les femmes, d’une voix étranglée de larmes.

Négrel parut un instant, jeta ces mots :

— Dès que nous saurons les noms nous les ferons connaître. Mais rien n’est perdu, tout le monde sera sauvé… Je descends.

Alors, muette d’angoisse, la foule attendit. En effet, avec une bravoure tranquille, l’ingénieur s’apprêtait à descendre. Il avait fait décrocher la cage, en donnant l’ordre de la remplacer, au bout du câble, par un cuffat ; et, comme il se doutait que l’eau éteindrait sa lampe, il commanda d’en attacher une autre sous le cuffat, qui la protégerait.

Des porions, tremblants, la face blanche et décomposée, aidaient à ces préparatifs.

— Vous descendez avec moi, Dansaert, dit Négrel d’une voix brève.

Puis, quand il les vit tous sans courage, quand il vit le maître-porion chanceler, ivre d’épouvante, il l’écarta d’un geste de mépris.

— Non, vous m’embarrasseriez… J’aime mieux être seul.