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LES ROUGON-MACQUART.

— Eh bien ! qu’arrive-t-il donc ? cria-t-il de loin.

— La fosse est perdue, répondit le maître-porion.

Et il conta la catastrophe, en bégayant, tandis que l’ingénieur, incrédule, haussait les épaules : allons donc ! est-ce qu’un cuvelage se démolissait comme ça ? On exagérait, il fallait voir.

— Personne n’est resté au fond, n’est-ce pas ?

Dansaert se troublait. Non, personne. Il l’espérait du moins. Pourtant, des ouvriers avaient pu s’attarder.

— Mais, nom d’un chien ! dit Négrel, pourquoi êtes-vous sorti, alors ? Est-ce qu’on lâche ses hommes !

Tout de suite, il donna l’ordre de compter les lampes. Le matin, on en avait distribué trois cent vingt-deux ; et l’on n’en retrouvait que deux cent cinquante-cinq ; seulement, plusieurs ouvriers avouaient que la leur était restée là-bas, tombée de leur main, dans les bousculades de la panique. On tâcha de procéder à un appel, il fut impossible d’établir un nombre exact : des mineurs s’étaient sauvés, d’autres n’entendaient plus leur nom. Personne ne tombait d’accord sur les camarades manquants. Ils étaient peut-être vingt, peut-être quarante. Et, seule, une certitude se faisait pour l’ingénieur : il y avait des hommes au fond, on distinguait leur hurlement, dans le bruit des eaux, à travers les charpentes écroulées, lorsqu’on se penchait à la bouche du puits.

Le premier soin de Négrel fut d’envoyer chercher M. Hennebeau et de vouloir fermer la fosse. Mais il était déjà trop tard, les charbonniers qui avaient galopé au coron des Deux-Cent-Quarante, comme poursuivis par les craquements du cuvelage, venaient d’épouvanter les familles ; et des bandes de femmes, des vieux, des petits, dévalaient en courant, secoués de cris et de sanglots. Il fallut les repousser, un cordon de surveillants fut chargé de les maintenir, car ils auraient gêné les manœuvres. Beaucoup des ouvriers remontés du puits de-