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GERMINAL.

étouffé d’une personne qui se lève. Alors, il s’imagina que Catherine se trouvait indisposée.

— Dis, c’est toi ? qu’est-ce que tu as ? demanda-t-il à voix basse.

Personne ne répondit, seuls les ronflements des autres continuaient. Pendant cinq minutes, rien ne bougea. Puis, il y eut un nouveau craquement. Et, certain cette fois de ne pas s’être trompé, il traversa la chambre, il envoya les mains dans les ténèbres, pour tâter le lit d’en face. Sa surprise fut grande, en y rencontrant la jeune fille assise, l’haleine suspendue, éveillée et aux aguets.

— Eh bien ! pourquoi ne réponds-tu pas ? qu’est-ce que tu fais donc ?

Elle finit par dire :

— Je me lève.

— À cette heure, tu te lèves ?

— Oui, je retourne travailler à la fosse.

Très ému, Étienne dut s’asseoir au bord de la paillasse, pendant que Catherine lui expliquait ses raisons. Elle souffrait trop de vivre ainsi, oisive, en sentant peser sur elle de continuels regards de reproche ; elle aimait mieux courir le risque d’être bousculée là-bas par Chaval ; et, si sa mère refusait son argent, quand elle le lui apporterait, eh bien ! elle était assez grande pour se mettre à part et faire elle-même sa soupe.

— Va-t’en, je vais m’habiller. Et ne dis rien, n’est-ce pas ? si tu veux être gentil.

Mais il demeurait près d’elle, il l’avait prise à la taille, dans une caresse de chagrin et de pitié. En chemise, serrés l’un contre l’autre, ils sentaient la chaleur de leur peau nue, au bord de cette couche, tiède du sommeil de la nuit. Elle, d’un premier mouvement, avait essayé de se dégager ; puis, elle s’était mise à pleurer tout bas, en le prenant à son tour par le cou, pour le garder contre elle, dans une étreinte désespérée. Et ils