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LES ROUGON-MACQUART.

qui redescendraient. Ensuite, comme le bruit courait que les charpentiers n’avaient pas eu le temps de réparer le cuvelage, il désira savoir. Était-ce vrai ? la pesée des terrains contre les bois qui faisaient au puits une chemise de charpente, les avait-elle tellement renflés à l’intérieur, qu’une des cages d’extraction frottait au passage, sur une longueur de plus de cinq mètres ? Souvarine, redevenu silencieux, répondait brièvement. Il avait encore travaillé la veille, la cage frottait en effet, les machineurs devaient même doubler la vitesse, pour passer à cet endroit. Mais tous les chefs accueillaient les observations de la même phrase irritée : c’était du charbon qu’on voulait, on consoliderait mieux plus tard.

— Vois-tu que ça crève ! murmura Étienne. On serait à la noce.

Les yeux fixés sur la fosse, vague dans l’ombre, Souvarine conclut tranquillement :

— Si ça crève, les camarades le sauront, puisque tu conseilles de redescendre.

Neuf heures sonnaient au clocher de Montsou ; et, son compagnon ayant dit qu’il rentrait se coucher, il ajouta, sans même tendre la main :

— Eh bien ! adieu. Je pars.

— Comment, tu pars ?

— Oui, j’ai redemandé mon livret, je vais ailleurs.

Étienne, stupéfait, émotionné, le regardait. C’était après deux heures de promenade, qu’il lui disait ça, et d’une voix si calme, lorsque la seule annonce de cette brusque séparation lui serrait le cœur, à lui. On s’était connu, on avait peiné ensemble : ça rend toujours triste, l’idée de ne plus se voir.

— Tu pars, et où vas-tu ?

— Là-bas, je n’en sais rien.

— Mais je te reverrai ?

— Non, je ne crois pas.