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GERMINAL.

lottait un peu dans le froid de ses vêtements trempés de sueur, la mine résignée et douce, prête à subir les choses et les hommes.

— C’est qu’on en trouve, des amoureux, quand on vit tous ensemble, n’est-ce pas ?

— Bien sûr.

— Et puis, ça ne fait du mal à personne… On ne dit rien au curé.

— Oh ! le curé, je m’en fiche !… Mais il y a l’Homme noir.

— Comment, l’Homme noir ?

— Le vieux mineur qui revient dans la fosse et qui tord le cou aux vilaines filles.

Il la regardait, craignant qu’elle ne se moquât de lui.

— Tu crois à ces bêtises, tu ne sais donc rien ?

— Si fait, moi, je sais lire et écrire… Ça rend service chez nous, car du temps de papa et de maman, on n’apprenait pas.

Elle était décidément très gentille. Quand elle aurait fini sa tartine, il la prendrait et la baiserait sur ses grosses lèvres roses. C’était une résolution de timide, une pensée de violence qui étranglait sa voix. Ces vêtements de garçon, cette veste et cette culotte sur cette chair de fille, l’excitaient et le gênaient. Lui, avait avalé sa dernière bouchée. Il but à la gourde, la lui rendit pour qu’elle la vidât. Maintenant, le moment d’agir était venu, et il jetait un coup d’œil inquiet vers les mineurs, au fond, lorsqu’une ombre boucha la galerie.

Depuis un instant, Chaval, debout, les regardait de loin. Il s’avança, s’assura que Maheu ne pouvait le voir ; et, comme Catherine était restée à terre, sur son séant, il l’empoigna par les épaules, lui renversa la tête, lui écrasa la bouche sous un baiser brutal, tranquillement, en affectant de ne pas se préoccuper d’Étienne. Il