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GERMINAL.

Là encore, il retrouva le coron qui semblait l’attendre, les hommes sur les portes, les femmes aux fenêtres. Dès qu’il parut, des grognements coururent, la foule augmenta. Un souffle de commérages s’enflait depuis quatre jours, éclatait en une malédiction universelle. Des poings se tendaient vers lui, des mères le montraient à leurs garçons d’un geste de rancune, des vieux crachaient, en le regardant. C’était le revirement des lendemains de défaite, le revers fatal de la popularité, une exécration qui s’exaspérait de toutes les souffrances endurées sans résultat. Il payait pour la faim et la mort.

Zacharie, qui arrivait avec Philomène, bouscula Étienne, comme celui-ci sortait. Et il ricana, méchamment.

— Tiens ! il engraisse, ça nourrit donc la peau des autres !

Déjà, la Levaque s’était avancée sur sa porte, en compagnie de Bouteloup. Elle parla de Bébert, son gamin tué d’une balle, elle cria :

— Oui, il y a des lâches qui font massacrer les enfants. Qu’il aille chercher le mien dans la terre, s’il veut me le rendre !

Elle oubliait son homme prisonnier, le ménage ne chômait pas, puisque Bouteloup restait. Pourtant, l’idée lui en revint, elle continua d’une voix aiguë :

— Va donc ! ce sont les coquins qui se promènent, quand les braves gens sont à l’ombre !

Étienne, pour l’éviter, était tombé sur la Pierronne, accourue au travers des jardins. Celle-ci avait accueilli comme une délivrance la mort de sa mère, dont les violences menaçaient de les faire pendre ; et elle ne pleurait guère non plus la petite de Pierron, cette gourgandine de Lydie, un vrai débarras. Mais elle se mettait avec les voisines, dans l’idée de se réconcilier.

— Et ma mère, dis ? et la fillette ? On t’a vu, tu te cachais