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LES ROUGON-MACQUART.

groupe, à quelque distance, Zacharie et Philomène regardaient comme au spectacle, si paisibles, qu’ils avaient amené les deux enfants, Achille et Désirée. Un nouveau flot arrivait de Réquillart, dans lequel se trouvaient Mouquet et la Mouquette : lui, tout de suite, alla en ricanant taper sur les épaules de son ami Zacharie ; tandis qu’elle, très allumée, galopait au premier rang des mauvaises têtes.

Cependant, à chaque minute, le capitaine se tournait vers la route de Montsou. Les renforts demandés n’arrivaient pas, ses soixante hommes ne pouvaient tenir davantage. Enfin, il eut l’idée de frapper l’imagination de la foule, il commanda de charger les fusils devant elle. Les soldats exécutèrent le commandement, mais l’agitation grandissait, des fanfaronnades et des moqueries.

— Tiens ! ces feignants, ils partent pour la cible ! ricanaient les femmes, la Brûlé, la Levaque et les autres.

La Maheude, la gorge couverte du petit corps d’Estelle, qui s’était réveillée et qui pleurait, s’approchait tellement, que le sergent lui demanda ce qu’elle venait faire, avec ce pauvre mioche.

— Qu’est-ce que ça te fout ? répondit-elle. Tire dessus, si tu l’oses.

Les hommes hochaient la tête de mépris. Aucun ne croyait qu’on pût tirer sur eux.

— Il n’y a pas de balles dans leurs cartouches, dit Levaque.

— Est-ce que nous sommes des Cosaques ? cria Maheu. On ne tire pas contre des Français, nom de Dieu !

D’autres répétaient que, lorsqu’on avait fait la campagne de Crimée, on ne craignait pas le plomb. Et tous continuaient à se jeter sur les fusils. Si une décharge avait eu lieu à ce moment, elle aurait fauché la foule.

Au premier rang, la Mouquette s’étranglait de fureur,