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LES ROUGON-MACQUART.

Des vociférations lui avaient répondu.

— À mort les étrangers ! à mort les Borains !… Nous voulons être les maîtres chez nous !

Étienne recula, désolé. C’était la fin, il n’y avait plus qu’à se battre et à mourir. Et il cessa de retenir les camarades, la bande roula jusqu’à la petite troupe. Ils étaient près de quatre cents, les corons du voisinage se vidaient, arrivaient au pas de course. Tous jetaient le même cri, Maheu et Levaque disaient furieusement aux soldats :

— Allez-vous-en ! nous n’avons rien contre vous, allez-vous-en !

— Ça ne vous regarde pas, reprenait la Maheude. Laissez-nous faire nos affaires.

Et, derrière elle, la Levaque ajoutait, plus violente :

— Est-ce qu’il faudra vous manger pour passer ? On vous prie de foutre le camp !

Même on entendit la voix grêle de Lydie, qui s’était fourrée au plus épais avec Bébert, dire sur un ton aigu :

— En voilà des andouilles de lignards !

Catherine, à quelques pas, regardait, écoutait, l’air hébété par ces nouvelles violences, au milieu desquelles le mauvais sort la faisait tomber. Est-ce qu’elle ne souffrait pas trop déjà ? quelle faute avait-elle donc commise, pour que le malheur ne lui laissât pas de repos ? La veille encore, elle ne comprenait rien aux colères de la grève, elle pensait que, lorsqu’on a sa part de gifles, il est inutile d’en chercher davantage ; et, à cette heure, son cœur se gonflait d’un besoin de haine, elle se souvenait de ce qu’Étienne racontait autrefois à la veillée, elle tâchait d’entendre ce qu’il disait maintenant aux soldats. Il les traitait de camarades, il leur rappelait qu’ils étaient du peuple eux aussi, qu’ils devaient être avec le peuple, contre les exploiteurs de la misère.