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GERMINAL.

les épaules, enfiévré par l’espoir d’une victoire encore possible.

Jusqu’à cinq heures, il guetta les Borains. Puis, il s’aperçut que la Compagnie avait eu la malignité de les faire coucher au Voreux. La descente commençait, les quelques grévistes du coron des Deux-Cent-Quarante, postés en éclaireurs, hésitaient à prévenir les camarades. Ce fut lui qui les avertit du bon tour, et ils partirent en courant, tandis qu’il attendait derrière le terri, sur le chemin de halage. Six heures sonnèrent, le ciel terreux pâlissait, s’éclairait d’une aube rougeâtre, lorsque l’abbé Ranvier déboucha d’un sentier, avec sa soutane relevée sur ses maigres jambes. Chaque lundi, il allait dire une messe matinale à la chapelle d’un couvent, de l’autre côté de la fosse.

— Bonjour, mon ami, cria-t-il d’une voix forte, après avoir dévisagé le jeune homme de ses yeux de flamme.

Mais Étienne ne répondit pas. Au loin, entre les tréteaux du Voreux, il venait de voir passer une femme, et il s’était précipité, pris d’inquiétude, car il avait cru reconnaître Catherine.

Depuis minuit, Catherine battait le dégel des routes. Chaval, en rentrant et en la trouvant couchée, l’avait mise debout d’un soufflet. Il lui criait de passer tout de suite par la porte, si elle ne voulait pas sortir par la fenêtre ; et, pleurante, vêtue à peine, meurtrie de coups de pied dans les jambes, elle avait dû descendre, poussée dehors d’une dernière claque. Cette séparation brutale l’étourdissait, elle s’était assise sur une borne, regardant la maison, attendant toujours qu’il la rappelât ; car ce n’était pas possible, il la guettait, il lui dirait de remonter, quand il la verrait grelotter ainsi, abandonnée, sans personne pour la recueillir.

Puis, au bout de deux heures, elle se décida, mourant de froid, dans cette immobilité de chien jeté à la