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GERMINAL.

enfin. Moi, si j’avais seulement une chambre, je t’emmènerais bien…

Mais un accès de timidité singulière l’interrompit. Leur passé lui revenait, leurs gros désirs d’autrefois, et les délicatesses, et les hontes qui les avaient empêchés d’aller ensemble. Est-ce qu’il voulait toujours d’elle, pour se sentir si troublé, peu à peu chauffé au cœur d’une envie nouvelle ? Le souvenir des gifles qu’elle lui avait allongées, à Gaston-Marie, l’excitait maintenant, au lieu de l’emplir de rancune. Et il restait surpris, l’idée de la prendre à Réquillart devenait toute naturelle et d’une exécution facile.

— Voyons, décide-toi, où veux-tu que je te mène ?… Tu me détestes donc bien, que tu refuses de te mettre avec moi ?

Elle le suivait lentement, retardée par les glissades pénibles de ses sabots dans les ornières ; et, sans lever la tête, elle murmura :

— J’ai assez de peine, mon Dieu ! ne m’en fais pas davantage. À quoi ça nous avancerait-il, ce que tu demandes, aujourd’hui que j’ai un galant et que tu as toi-même une femme ?

C’était de la Mouquette dont elle parlait. Elle le croyait avec cette fille, comme le bruit en courait depuis quinze jours ; et, quand il lui jura que non, elle hocha la tête, elle rappela le soir où elle les avait vus se baiser à pleine bouche.

— Est-ce dommage, toutes ces bêtises ! reprit-il à demi-voix, en s’arrêtant. Nous nous serions si bien entendus !

Elle eut un petit frisson, elle répondit :

— Va, ne regrette rien, tu ne perds pas grand’chose. Si tu savais quelle patraque je suis, guère plus grosse que deux sous de beurre, si mal fichue que je ne deviendrai jamais une femme, bien sûr !