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GERMINAL.

Ainsi qu’à l’ordinaire, il grondait, éreinté de besogne. Il avait heureusement des allumettes, le père dut en enflammer six, une à une, et les tenir, pour qu’il pût examiner la malade. Déballée de sa couverture, elle grelottait sous cette lueur vacillante, d’une maigreur d’oiseau agonisant dans la neige, si chétive qu’on ne voyait plus que sa bosse. Elle souriait pourtant, d’un sourire égaré de moribonde, les yeux très grands, tandis que ses pauvres mains se crispaient sur sa poitrine creuse. Et, comme la mère, suffoquée, demandait si c’était raisonnable, de prendre, avant elle, la seule enfant qui l’aidât au ménage, si intelligente, si douce, le docteur se fâcha.

— Tiens ! la voilà qui passe… Elle est morte de faim, ta sacrée gamine. Et elle n’est pas la seule, j’en ai vu une autre, à côté… Vous m’appelez tous, je n’y peux rien, c’est de la viande qu’il faut pour vous guérir.

Maheu, les doigts brûlés, avait lâché l’allumette ; et les ténèbres retombèrent sur le petit cadavre encore chaud. Le médecin était reparti en courant. Étienne n’entendait plus dans la pièce noire que les sanglots de la Maheude, qui répétait son appel de mort, cette lamentation lugubre et sans fin :

— Mon Dieu, c’est mon tour, prenez-moi !… Mon Dieu, prenez mon homme, prenez les autres, par pitié, pour en finir !