Page:Zola - Germinal.djvu/444

Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
LES ROUGON-MACQUART.

rouge, à l’idée de cette injure, de ces étrangers qu’on menaçait d’y introduire. Puis, le souvenir qu’on lui avait rendu son livret, lui creva le cœur.

— Je ne sais pas pourquoi je me fâche, murmura-t-il. Moi, je n’en suis plus, de leur baraque… Quand ils m’auront chassé d’ici, je pourrai bien crever sur la route.

— Laisse donc ! dit Étienne. Si tu veux, ils te le reprendront demain, ton livret. On ne renvoie pas les bons ouvriers.

Il s’interrompit, étonné d’entendre Alzire, qui riait doucement, dans le délire de sa fièvre. Il n’avait encore distingué que l’ombre raidie du père Bonnemort, et cette gaieté d’enfant malade l’effrayait. C’était trop, cette fois, si les petits se mettaient à en mourir. La voix tremblante, il se décida.

— Voyons, ça ne peut pas durer, nous sommes foutus… Il faut se rendre.

La Maheude, immobile et silencieuse jusque-là, éclata tout d’un coup, lui cria dans la face, en le tutoyant et en jurant comme un homme :

— Qu’est-ce que tu dis ?… C’est toi qui dis ça, nom de Dieu !

Il voulut donner des raisons, mais elle ne le laissait point parler.

— Ne répète pas, nom de Dieu ! ou, toute femme que je suis, je te flanque ma main sur la figure… Alors, nous aurions crevé pendant deux mois, j’aurais vendu mon ménage, mes petits en seraient tombés malades, et il n’y aurait rien de fait, et l’injustice recommencerait !… Ah ! vois-tu, quand je songe à ça, le sang m’étouffe. Non ! non ! moi, je brûlerais tout, je tuerais tout maintenant, plutôt que de me rendre.

Elle désigna Maheu dans l’obscurité, d’un grand geste menaçant.

— Écoute ça, si mon homme retourne à la fosse, c’est