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GERMINAL.

— Les petits sont rentrés ?

— Non, pas rentrés.

Maheu reprit sa marche lourde, d’un mur à l’autre, de son air de bœuf assommé. Raidi sur sa chaise, le père Bonnemort n’avait pas même levé la tête. Alzire non plus ne disait rien, tâchait de ne pas trembler, pour leur éviter de la peine ; mais, malgré son courage à souffrir, elle tremblait si fort par moments, qu’on entendait contre la couverture le frisson de son maigre corps de fillette infirme ; pendant que, de ses grands yeux ouverts, elle regardait au plafond le pâle reflet des jardins tout blancs, qui éclairait la pièce d’une lueur de lune.

C’était, maintenant, l’agonie dernière, la maison vidée, tombée au dénuement final. Les toiles des matelas avaient suivi la laine chez la brocanteuse ; puis les draps étaient partis, le linge, tout ce qui pouvait se vendre. Un soir, on avait vendu deux sous un mouchoir du grand-père. Des larmes coulaient, à chaque objet du pauvre ménage dont il fallait se séparer, et la mère se lamentait encore d’avoir emporté un jour, dans sa jupe, la boîte de carton rose, l’ancien cadeau de son homme, comme on emporterait un enfant, pour s’en débarrasser sous une porte. Ils étaient nus, ils n’avaient plus à vendre que leur peau, si entamée, si compromise, que personne n’en aurait donné un liard. Aussi ne prenaient-ils même pas la peine de chercher, ils savaient qu’il n’y avait rien, que c’était la fin de tout, qu’ils ne devaient espérer ni une chandelle, ni un morceau de charbon, ni une pomme de terre ; et ils attendaient d’en mourir, ils ne se fâchaient que pour les enfants, car cette cruauté inutile les révoltait, d’avoir fichu une maladie à la petite, avant de l’étrangler.

— Enfin, le voilà ! dit la Maheude.

Une forme noire passait devant la fenêtre. La porte