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LES ROUGON-MACQUART.

moi et le logeur, l’un dessous et l’autre dessus !… Oui, oui, on m’a dit que tu l’as dit.

Mais la Pierronne, calmée, tenait tête aux gros mots, très méprisante, dans sa certitude d’être la plus belle et la plus riche.

— J’ai dit ce que j’ai dit, fichez-moi la paix, hein !… Est-ce que ça vous regarde, mes affaires, tas de jaloux qui nous en voulez, parce que nous mettons de l’argent à la caisse d’épargne ! Allez, allez, vous aurez beau dire, mon mari sait bien pourquoi monsieur Dansaert était chez nous.

En effet, Pierron s’emportait, défendait sa femme. La querelle tourna, on le traita de vendu, de mouchard, de chien de la Compagnie, on l’accusa de s’enfermer pour se gaver des bons morceaux, dont les chefs lui payaient ses traîtrises. Lui, répliquait, prétendait que Maheu lui avait glissé des menaces sous sa porte, un papier où se trouvaient deux os de mort en croix, avec un poignard au-dessus. Et cela se termina forcément par un massacre entre les hommes, comme toutes les querelles de femmes, depuis que la faim enrageait les plus doux. Maheu et Levaque s’étaient rués sur Pierron à coups de poing, il fallut les séparer.

Le sang coulait à flots du nez de son gendre, lorsque la Brûlé, à son tour, arriva du lavoir. Mise au courant, elle se contenta de dire :

— Ce cochon-là me déshonore.

La rue redevint déserte, pas une ombre ne tachait la blancheur nue de la neige ; et le coron, retombé à son immobilité de mort, crevait de faim sous le froid intense.

— Et le médecin ? demanda Maheu, en refermant la porte.

— Pas venu, répondit la Maheude, toujours debout devant la fenêtre.