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LES ROUGON-MACQUART.

disputes, rentrait furtivement. Allumée par l’explication, la Maheude sortait aussi, lorsqu’une plainte d’Alzire la retint. Elle croisa les bouts de la couverture sur le corps frissonnant de la petite, elle retourna se planter devant la fenêtre, les yeux perdus. Et ce médecin qui n’arrivait pas !

À la porte des Pierron, Maheu et les Levaque rencontrèrent Lydie, qui piétinait dans la neige. La maison était close, un filet de lumière passait par la fente d’un volet ; et l’enfant répondit d’abord avec gêne aux questions : non, son papa n’y était pas, il était allé au lavoir rejoindre la mère Brûlé, pour rapporter le paquet de linge. Elle se troubla ensuite, refusa de dire ce que sa maman faisait. Enfin, elle lâcha tout, dans un rire sournois de rancune : sa maman l’avait flanquée à la porte, parce que M. Dansaert était là, et qu’elle les empêchait de causer. Celui-ci, depuis le matin, se promenait dans le coron, avec deux gendarmes, tâchant de racoler des ouvriers, pesant sur les faibles, annonçant partout que, si l’on ne descendait pas le lundi au Voreux, la Compagnie était décidée à embaucher des Borains. Et, comme la nuit tombait, il avait renvoyé les gendarmes, en trouvant la Pierronne seule ; puis, il était resté chez elle à boire un verre de genièvre, devant le bon feu.

— Chut ! taisez-vous, faut les voir ! murmura Levaque, avec un rire de paillardise. On s’expliquera tout à l’heure… Va-t’en, toi, petite garce !

Lydie recula de quelques pas, pendant qu’il mettait un œil à la fente du volet. Il étouffa de petits cris, son échine se renflait, dans un frémissement. À son tour, la Levaque regarda ; mais elle dit, comme prise de coliques, que ça la dégoûtait. Maheu, qui l’avait poussée, voulant voir aussi, déclara qu’on en avait pour son argent. Et ils recommencèrent, à la file, chacun son coup d’œil, ainsi qu’à la comédie. La salle, reluisante de