Page:Zola - Germinal.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.
388
LES ROUGON-MACQUART.

— Monsieur, le courrier… Et il y a aussi monsieur Dansaert qui est revenu, en disant qu’on s’égorge…

— Je descends, nom de Dieu !

Qu’allait-il leur faire ? les chasser à leur retour de Marchiennes, comme des bêtes puantes dont il ne voulait plus sous son toit. Il prendrait une trique, il leur crierait de porter ailleurs le poison de leur accouplement. C’était de leurs soupirs, de leurs haleines confondues, dont s’alourdissait la tiédeur moite de cette chambre ; l’odeur pénétrante qui l’avait suffoqué, c’était l’odeur de musc que la peau de sa femme exhalait, un autre goût pervers, un besoin charnel de parfums violents ; et il retrouvait ainsi la chaleur, l’odeur de la fornication, l’adultère vivant, dans les pots qui traînaient, dans les cuvettes encore pleines, dans le désordre des linges, des meubles, de la pièce entière, empestée de vice. Une fureur d’impuissance le jeta sur le lit à coups de poing, et il le massacra, et il laboura les places où il voyait l’empreinte de leurs deux corps, enragé des couvertures arrachées, des draps froissés, mous et inertes sous ses coups, comme éreintés eux-mêmes des amours de toute la nuit.

Mais, brusquement, il crut entendre Hippolyte remonter. Une honte l’arrêta. Il resta un instant encore, haletant, à s’essuyer le front, à calmer les bonds de son cœur. Debout devant une glace, il contemplait son visage, si décomposé, qu’il ne le reconnaissait pas. Puis, quand il l’eut regardé s’apaiser peu à peu, par un effort de volonté suprême, il descendit.

En bas, cinq messagers étaient debout, sans compter Dansaert. Tous lui apportaient des nouvelles d’une gravité croissante sur la marche des grévistes à travers les fosses ; et le maître-porion lui conta longuement ce qui s’était passé à Mirou, sauvé par la belle conduite du père Quandieu. Il écoutait, hochait la tête ; mais il n’entendait