Page:Zola - Germinal.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
GERMINAL.

semaine dénonçaient les débordements du maître-porion : évidemment, le mari avait causé, cette police-là sentait le traversin. Il saisit même l’occasion, il laissa entendre qu’il savait tout, et se contenta de recommander la prudence, dans la crainte d’un scandale. Effaré de ces reproches, au travers de son rapport, Dansaert niait, bégayait des excuses, tandis que son grand nez avouait le crime, par sa rougeur subite. Du reste, il n’insista pas, heureux d’en être quitte à si bon compte ; car, d’ordinaire, le directeur se montrait d’une sévérité implacable d’homme pur, dès qu’un employé se passait le régal d’une jolie fille, dans une fosse. L’entretien continua sur la grève, cette réunion de la forêt n’était encore qu’une fanfaronnade de braillards, rien ne menaçait sérieusement. En tous cas, les corons ne bougeraient sûrement pas de quelques jours, sous l’impression de peur respectueuse que la promenade militaire du matin devait avoir produite.

Lorsque M. Hennebeau se retrouva seul, il fut pourtant sur le point d’envoyer une dépêche au préfet. La crainte de donner inutilement cette preuve d’inquiétude le retint. Il ne se pardonnait déjà pas d’avoir manqué de flair, au point de dire partout, d’écrire même à la Régie, que la grève durerait au plus une quinzaine. Elle s’éternisait depuis près de deux mois, à sa grande surprise ; et il s’en désespérait, il se sentait chaque jour diminué, compromis, forcé d’imaginer un coup d’éclat, s’il voulait rentrer en grâce près des régisseurs. Il leur avait justement demandé des ordres, dans l’éventualité d’une bagarre. La réponse tardait, il l’attendait par le courrier de l’après-midi. Et il se disait qu’il serait temps alors de lancer des télégrammes, pour faire occuper militairement les fosses, si telle était l’opinion de ces messieurs. Selon lui, ce serait la bataille, du sang et des morts, à coup sûr. Une responsabilité pareille le troublait, malgré son énergie habituelle.