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LES ROUGON-MACQUART.

Levaque, Zacharie et Catherine, qui semblaient s’être envolés par une fissure mince, ouverte devant lui.

— Il faut monter, reprit Maheu. Pendez votre lampe à une boutonnière, et accrochez-vous aux bois.

Lui-même disparut. Étienne dut le suivre. Cette cheminée, laissée dans la veine, était réservée aux mineurs et desservait toutes les voies secondaires. Elle avait l’épaisseur de la couche de charbon, à peine soixante centimètres. Heureusement, le jeune homme était mince, car, maladroit encore, il s’y hissait avec une dépense inutile de muscles, aplatissant les épaules et les hanches, avançant à la force des poignets, cramponné aux bois. Quinze mètres plus haut, on rencontra la première voie secondaire ; mais il fallut continuer, la taille de Maheu et consorts était à la sixième voie, dans l’enfer, ainsi qu’ils disaient ; et, de quinze mètres en quinze mètres, les voies se superposaient, la montée n’en finissait plus, à travers cette fente qui raclait le dos et la poitrine. Étienne râlait, comme si le poids des roches lui eût broyé les membres, les mains arrachées, les jambes meurtries, manquant d’air surtout, au point de sentir le sang lui crever la peau. Vaguement, dans une voie, il aperçut deux bêtes accroupies, une petite, une grosse, qui poussaient des berlines : c’étaient Lydie et la Mouquette, déjà au travail. Et il lui restait à grimper la hauteur de deux tailles ! La sueur l’aveuglait, il désespérait de rattraper les autres, dont il entendait les membres agiles frôler le roc d’un long glissement.

— Courage, ça y est ! dit la voix de Catherine.

Mais, comme il arrivait en effet, une autre voix cria du fond de la taille :

— Eh bien ! quoi donc ? est-ce qu’on se fout du monde… ? J’ai deux kilomètres à faire de Montsou, et je suis là le premier !

C’était Chaval, un grand maigre de vingt-cinq ans,