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LES ROUGON-MACQUART.

colère de la foule ne tombait pas, fouettée au contraire. Des hommes descendaient avec des marteaux, les femmes elles-mêmes s’armaient de barres de fer ; et l’on parlait de crever les générateurs, de briser les machines, de démolir la fosse.

Étienne, prévenu, se hâta d’accourir avec Maheu. Lui-même se grisait, emporté dans cette fièvre chaude de revanche. Il luttait pourtant, il les conjurait d’être calmes, maintenant que les câbles coupés, les feux éteints, les chaudières vidées rendaient le travail impossible. On ne l’écoutait toujours pas, il allait être débordé de nouveau, lorsque des huées s’élevèrent dehors, à une petite porte basse, où débouchait le goyot des échelles.

— À bas les traîtres !… Oh ! les sales gueules de lâches !… À bas ! à bas !

C’était la sortie des ouvriers du fond qui commençait. Les premiers, aveuglés par le grand jour, restaient là, à battre des paupières. Puis, ils défilèrent, tâchant de gagner la route et de fuir.

— À bas les lâches ! à bas les faux frères !

Toute la bande des grévistes était accourue. En moins de trois minutes, il ne resta pas un homme dans les bâtiments, les cinq cents de Montsou se rangèrent sur deux files, pour forcer à passer entre cette double haie ceux de Vandame qui avaient eu la traîtrise de descendre. Et, à chaque nouveau mineur apparaissant sur la porte du goyot, avec les vêtements en loques et la boue noire du travail, les huées redoublaient, des blagues féroces l’accueillaient : oh ! celui-là, trois pouces de jambes, et le cul tout de suite ! et celui-ci, le nez mangé par les garces du Volcan ! et cet autre, dont les yeux pissaient de la cire à fournir dix cathédrales ! et cet autre, le grand sans fesses, long comme un carême ! Une herscheuse qui déboula, énorme, la gorge dans le ventre et le ventre dans le derrière, souleva un rire fu-