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LES ROUGON-MACQUART.

continuaient à protester, étourdis, parlant dans le tumulte, sans obtenir le silence. Enfin, le premier put dire :

— Mais il y a des hommes au fond, camarades !

Le vacarme redoubla, des voix partaient de toutes parts.

— Tant pis ! fallait pas descendre !… C’est bien fait pour les traîtres !… Oui, oui, qu’ils y restent !… Et puis, ils ont les échelles !

Alors, quand cette idée des échelles les eut fait s’entêter davantage, Étienne comprit qu’il devait céder. Dans la crainte d’un plus grand désastre, il se précipita vers la machine, voulant au moins remonter les cages, pour que les câbles, sciés au-dessus du puits, ne pussent les broyer de leur poids énorme, en tombant sur elles. Le machineur avait disparu, ainsi que les quelques ouvriers du jour ; et il s’empara de la barre de mise en train, il manœuvra, pendant que Levaque et deux autres grimpaient à la charpente de fonte, qui supportait les molettes. Les cages étaient à peine fixées sur les verrous, qu’on entendit le bruit strident de la lime mordant l’acier. Il se fit un grand silence, ce bruit sembla emplir la fosse entière, tous levaient la tête, regardaient, écoutaient, saisis d’émotion. Au premier rang, Maheu se sentait gagner d’une joie farouche, comme si les dents de la lime les eussent délivrés du malheur, en mangeant le câble d’un de ces trous de misère, où l’on ne descendrait plus.

Mais la Brûlé avait disparu par l’escalier de la baraque, en hurlant toujours :

— Faut renverser les feux ! aux chaudières ! aux chaudières !

Des femmes la suivaient. La Maheude se hâta pour les empêcher de tout casser, de même que son homme avait voulu raisonner les camarades. Elle était la plus calme, on pouvait exiger son droit, sans faire du dégât