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LES ROUGON-MACQUART.

Quand il eut compris, Chaval arrêta net Catherine. L’idée qu’il rencontrerait là-haut ceux de Montsou, s’il sortait, lui engourdissait les jambes. Elle était donc venue, cette bande qu’il croyait aux mains des gendarmes ! Un instant, il songea à rebrousser chemin et à remonter par Gaston-Marie ; mais la manœuvre ne s’y faisait plus. Il jurait, hésitant, cachant sa peur, répétant que c’était bête de courir comme ça. On n’allait pas les laisser au fond, peut-être !

La voix du porion retentit de nouveau, se rapprocha.

— Que tout le monde sorte ! Aux échelles ! aux échelles !

Et Chaval fut emporté avec les camarades. Il bouscula Catherine, il l’accusa de ne pas courir assez fort. Elle voulait donc qu’ils restassent seuls dans la fosse, à crever de faim ? car les brigands de Montsou étaient capables de casser les échelles, sans attendre que le monde fût sorti. Cette supposition abominable acheva de les détraquer tous, il n’y eut plus, le long des galeries, qu’une débandade enragée, une course de fous à qui arriverait le premier, pour remonter avant les autres. Des hommes criaient que les échelles étaient cassées, que personne ne sortirait. Et, quand ils commencèrent à déboucher par groupes épouvantés dans la salle d’accrochage, ce fut un véritable engouffrement : ils se jetaient vers le puits, ils s’écrasaient à l’étroite porte du goyot des échelles ; tandis qu’un vieux palefrenier, qui venait prudemment de faire rentrer les chevaux à l’écurie, les regardait d’un air de dédaigneuse insouciance, habitué aux nuits passées dans la fosse, certain qu’on le tirerait toujours de là.

— Nom de Dieu ! veux-tu monter devant moi ! dit Chaval à Catherine. Au moins, je te tiendrai, si tu tombes.

Ahurie, suffoquée par cette course de trois kilomètres qui l’avait encore une fois trempée de sueur, elle s’abandon-