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GERMINAL.

Des sanglots lui coupèrent la parole, et il l’embrassa de nouveau.

— Es-tu bête !… Tiens ! je jure d’être gentil. On n’est pas plus méchant qu’un autre, va !

Elle le regardait, elle recommençait à sourire dans ses larmes. Peut-être qu’il avait raison, on n’en rencontrait guère, des femmes heureuses. Puis, bien qu’elle se défiât de son serment, elle s’abandonnait à la joie de le voir aimable. Mon Dieu ! si cela avait pu durer ! Tous deux s’étaient repris ; et, comme ils se serraient d’une longue étreinte, des pas les firent se mettre debout. Trois camarades, qui les avaient vus passer, arrivaient pour savoir.

On repartit ensemble. Il était près de dix heures, et l’on déjeuna dans un coin frais, avant de se remettre à suer au fond de la taille. Mais ils achevaient la double tartine de leur briquet, ils allaient boire une gorgée de café à leur gourde, lorsqu’une rumeur, venue des chantiers lointains, les inquiéta. Quoi donc ? était-ce un accident encore ? Ils se levèrent, ils coururent. Des haveurs, des herscheuses, des galibots les croisaient à chaque instant ; et aucun ne savait, tous criaient, ça devait être un grand malheur. Peu à peu, la mine entière s’effarait, des ombres affolées débouchaient des galeries, les lanternes dansaient, filaient dans les ténèbres. Où était-ce ? pourquoi ne le disait-on pas ?

Tout d’un coup, un porion passa en criant :

— On coupe les câbles ! on coupe les câbles !

Alors, la panique souffla. Ce fut un galop furieux au travers des voies obscures. Les têtes se perdaient. À propos de quoi coupait-on les câbles ? et qui les coupait, lorsque les hommes étaient au fond ? Cela paraissait monstrueux.

Mais la voix d’un autre porion éclata, puis se perdit.

— Ceux de Montsou coupent les câbles ! Que tout le monde sorte !