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GERMINAL.

per sa chemise dans la source, et il lui en lava la figure. Elle était comme une morte, enterrée déjà au fond de la terre, avec son corps fluet de fille tardive, où les formes de la puberté hésitaient encore. Puis, un frémissement courut sur sa gorge d’enfant, sur son ventre et ses cuisses de petite misérable, déflorée avant l’âge. Elle ouvrit les yeux, elle bégaya :

— J’ai froid.

— Ah ! j’aime mieux ça, par exemple ! cria Chaval soulagé.

Il la rhabilla, glissa aisément la chemise, jura de la peine qu’il eut à passer la culotte, car elle ne pouvait s’aider beaucoup. Elle restait étourdie, ne comprenait pas où elle se trouvait, ni pourquoi elle était nue. Quand elle se souvint, elle fut honteuse. Comment avait-elle osé enlever tout ! Et elle le questionnait : est-ce qu’on l’avait aperçue ainsi, sans un mouchoir à la taille seulement, pour se cacher ? Lui, qui rigolait, inventait des histoires, racontait qu’il venait de l’apporter là, au milieu de tous les camarades faisant la haie. Quelle idée aussi d’avoir écouté son conseil et de s’être mis le derrière à l’air ! Ensuite, il donna sa parole que les camarades ne devaient pas même savoir si elle l’avait rond ou carré, tellement il galopait raide.

— Bigre ! mais je crève de froid, dit-il en se rhabillant à son tour.

Jamais elle ne l’avait vu si gentil. D’ordinaire, pour une bonne parole qu’il lui disait, elle empoignait tout de suite deux sottises. Cela aurait été si bon de vivre d’accord ! Une tendresse la pénétrait, dans l’alanguissement de sa fatigue. Elle lui sourit, elle murmura :

— Embrasse-moi.

Il l’embrassa, il se coucha près d’elle, en attendant qu’elle pût marcher.

— Vois-tu, reprit-elle, tu avais tort de crier là-bas,