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LES ROUGON-MACQUART.

de taper, et ils la plaisantèrent d’avoir ôté sa culotte.

— Eh ! tu vas l’enrhumer, méfie-toi !

— C’est qu’elle a de vraies jambes ! Dis donc, Chaval, y en a pour deux !

— Oh ! faudrait voir. Relève ça. Plus haut ! plus haut !

Alors, Chaval, sans se fâcher de ces rires, retomba sur elle.

— Ça y est-il, nom de Dieu !… Ah ! pour les saletés, elle est bonne. Elle resterait là, à en entendre jusqu’à demain.

Péniblement, Catherine s’était décidée à emplir sa berline ; puis, elle la poussa. La galerie était trop large pour qu’elle pût s’arc-bouter aux deux côtés des bois, ses pieds nus se tordaient dans les rails, où ils cherchaient un point d’appui, pendant qu’elle filait avec lenteur, les bras raidis en avant, la taille cassée. Et, dès qu’elle longeait le corroi, le supplice du feu recommençait, la sueur tombait aussitôt de tout son corps, en gouttes énormes, comme une pluie d’orage. À peine au tiers du relais, elle ruissela, aveuglée, souillée elle aussi d’une boue noire. Sa chemise étroite, comme trempée d’encre, collait à sa peau, lui remontait jusqu’aux reins dans le mouvement des cuisses ; et elle en était si douloureusement bridée, qu’il lui fallut lâcher encore la besogne.

Qu’avait-elle donc, ce jour-là ? Jamais elle ne s’était senti ainsi du coton dans les os. Ça devait être un mauvais air. L’aérage ne se faisait pas, au fond de cette voie éloignée. On y respirait toutes sortes de vapeurs qui sortaient du charbon avec un petit bruit bouillonnant de source, si abondantes parfois, que les lampes refusaient de brûler ; sans parler du grisou, dont on ne s’occupait plus, tant la veine en soufflait au nez des ouvriers, d’un bout de la quinzaine à l’autre. Elle le connaissait bien, ce mauvais air, cet air mort comme disent les mineurs, en bas de