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GERMINAL.

Il parut surpris.

— Comment ! cinq centimes ! À propos de quoi cette demande ? Moi, je ne me plains pas de vos boisages, je ne veux pas vous imposer un nouveau tarif, comme la Régie de Montsou.

— C’est possible, mais les camarades de Montsou sont tout de même dans le vrai. Ils repoussent le tarif et ils exigent une augmentation de cinq centimes, parce qu’il n’y a pas moyen de travailler proprement, avec les marchandages actuels… Nous voulons cinq centimes de plus, n’est-ce pas, vous autres ?

Des voix approuvèrent, le bruit reprenait, au milieu de gestes violents. Peu à peu, tous se rapprochaient en un cercle étroit.

Une flamme alluma les yeux de Deneulin, tandis que sa poigne d’homme amoureux des gouvernements forts, se serrait, de peur de céder à la tentation d’en saisir un par la peau du cou. Il préféra discuter, parler raison.

— Vous voulez cinq centimes, et j’accorde que la besogne les vaut. Seulement, je ne puis pas vous les donner. Si je vous les donnais, je serais simplement fichu… Comprenez donc qu’il faut que je vive, moi d’abord, pour que vous viviez. Et je suis à bout, la moindre augmentation du prix de revient me ferait faire la culbute… Il y a deux ans, rappelez-vous, lors de la dernière grève, j’ai cédé, je le pouvais encore. Mais cette hausse du salaire n’en a pas moins été ruineuse, car voici deux années que je me débats… Aujourd’hui, j’aimerais mieux lâcher la boutique tout de suite, que de ne savoir, le mois prochain, où prendre de l’argent pour vous payer.

Chaval avait un mauvais rire, en face de ce maître qui leur contait si franchement ses affaires. Les autres baissaient le nez, têtus, incrédules, refusant de s’entrer