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LES ROUGON-MACQUART.

— Forcez-les à descendre, sacrebleu ! bégaya-t-il.

— Voilà une heure que ça dure, reprit le porion. Alors, nous avons eu l’idée de venir vous chercher. Il n’y a que vous qui leur ferez peut-être entendre raison.

— C’est bien, j’y vais.

Vivement, il s’habilla, l’esprit net maintenant, très inquiet. On aurait pu piller la maison, ni la cuisinière, ni le domestique n’avait bougé. Mais, de l’autre côté du palier, des voix alarmées chuchotaient ; et, lorsqu’il sortit, il vit s’ouvrir la porte de ses filles, qui toutes deux parurent, vêtues de peignoirs blancs, passés à la hâte.

— Père, qu’y a-t-il ?

L’aînée, Lucie, avait vingt-deux ans déjà, grande, brune, l’air superbe ; tandis que Jeanne, la cadette, âgée de dix-neuf ans à peine, était petite, les cheveux dorés, d’une grâce caressante.

— Rien de grave, répondit-il pour les rassurer. Il paraît que des tapageurs font du bruit, là-bas. Je vais voir.

Mais elles se récrièrent, elles ne voulaient pas le laisser partir sans qu’il prît quelque chose de chaud. Autrement, il leur rentrerait malade, l’estomac délabré, comme toujours. Lui, se débattait, donnait sa parole d’honneur qu’il était trop pressé.

— Écoute, finit par dire Jeanne en se pendant à son cou, tu vas boire un petit verre de rhum et manger deux biscuits ; ou je reste comme ça, tu es obligé de m’emporter avec toi.

Il dut se résigner, en jurant que les biscuits l’étoufferaient. Déjà, elles descendaient devant lui, chacune avec son bougeoir. En bas, dans la salle à manger, elles s’empressèrent de le servir, l’une versant le rhum, l’autre courant à l’office chercher un paquet de biscuits. Ayant perdu leur mère très jeunes, elles s’é-