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LES ROUGON-MACQUART.

— Oui ! oui ! hurlèrent les voix.

— Et quelles mesures arrêtez-vous ?… Notre défaite est certaine, si des lâches descendent demain.

Les voix reprirent, avec leur souffle de tempête :

— Mort aux lâches !

— Vous décidez donc de les rappeler au devoir, à la foi jurée… Voici ce que nous pourrions faire ; nous présenter aux fosses, ramener les traîtres par notre présence, montrer à la Compagnie que nous sommes tous d’accord et que nous mourrons plutôt que de céder.

— C’est cela, aux fosses ! aux fosses !

Depuis qu’il parlait, Étienne avait cherché Catherine, parmi les têtes pâles, grondantes devant lui. Elle n’y était décidément pas. Mais il voyait toujours Chaval, qui affectait de ricaner en haussant les épaules, dévoré de jalousie, prêt à se vendre pour un peu de cette popularité.

— Et, s’il y a des mouchards parmi nous, camarades, continua Étienne, qu’ils se méfient, on les connaît… Oui, je vois des charbonniers de Vandame, qui n’ont pas quitté leur fosse…

— C’est pour moi que tu dis ça ? demanda Chaval d’un air de bravade.

— Pour toi ou pour un autre… Mais, puisque tu parles, tu devrais comprendre que ceux qui mangent n’ont rien à faire avec ceux qui ont faim. Tu travailles à Jean-Bart…

Une voix gouailleuse interrompit :

— Oh ! il travaille… Il a une femme qui travaille pour lui.

Chaval jura, le sang au visage.

— Nom de Dieu ! c’est défendu de travailler, alors ?

— Oui ! cria Étienne, quand les camarades endurent la misère pour le bien de tous, c’est défendu de se mettre en égoïste et en cafard du côté des patrons. Si la grève