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GERMINAL.

leur feu ! Il avait étudié les maladies des mineurs, il les faisait défiler toutes, avec des détails effrayants : l’anémie, les scrofules, la bronchite noire, l’asthme qui étouffe, les rhumatismes qui paralysent. Ces misérables, on les jetait en pâture aux machines, on les parquait ainsi que du bétail dans les corons, les grandes Compagnies les absorbaient peu à peu, réglementant l’esclavage, menaçant d’enrégimenter tous les travailleurs d’une nation, des millions de bras, pour la fortune d’un millier de paresseux. Mais le mineur n’était plus l’ignorant, la brute écrasée dans les entrailles du sol. Une armée poussait des profondeurs des fosses, une moisson de citoyens dont la semence germait et ferait éclater la terre, un jour de grand soleil. Et l’on saurait alors si, après quarante années de service, on oserait offrir cent cinquante francs de pension à un vieillard de soixante ans, crachant de la houille, les jambes enflées par l’eau des tailles. Oui ! le travail demanderait des comptes au capital, à ce dieu impersonnel, inconnu de l’ouvrier, accroupi quelque part, dans le mystère de son tabernacle, d’où il suçait la vie des meurt-de-faim qui le nourrissaient ! On irait là-bas, on finirait bien par lui voir la face aux clartés des incendies, on le noierait sous le sang, ce pourceau immonde, cette idole monstrueuse, gorgée de chair humaine !

Il se tut, mais son bras, toujours tendu dans le vide, désignait l’ennemi, là-bas, il ne savait où, d’un bout à l’autre de la terre. Cette fois, la clameur de la foule fut si haute, que les bourgeois de Montsou l’entendirent et regardèrent du côté de Vandame, pris d’inquiétude à l’idée de quelque éboulement formidable. Des oiseaux de nuit s’élevaient au-dessus des bois, dans le grand ciel clair.

Lui, tout de suite, voulut conclure.

— Camarades, quelle est votre décision ?… Votez-vous la continuation de la grève ?