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LES ROUGON-MACQUART.

Zacharie et Levaque se rôtissaient tranquillement les épaules. Le premier finit par dire :

— C’est Chaval que tu attends ?… Il est arrivé avant nous, il est descendu tout de suite.

— Comment ! tu sais ça et tu ne m’en dis rien !… Allons ! allons ! dépêchons.

Catherine, qui chauffait ses mains, dut suivre la bande. Étienne la laissa passer, monta derrière elle. De nouveau, il voyageait dans un dédale d’escaliers et de couloirs obscurs, où les pieds nus faisaient un bruit mou de vieux chaussons. Mais la lampisterie flamboya, une pièce vitrée, emplie de râteliers qui alignaient par étages des centaines de lampes Davy, visitées, lavées de la veille, allumées comme des cierges au fond d’une chapelle ardente. Au guichet, chaque ouvrier prenait la sienne, poinçonnée à son chiffre ; puis, il l’examinait, la fermait lui-même ; pendant que le marqueur, assis à une table, inscrivait sur le registre l’heure de la descente. Il fallut que Maheu intervînt pour la lampe de son nouveau herscheur. Et il y avait encore une précaution, les ouvriers défilaient devant un vérificateur, qui s’assurait si toutes les lampes étaient bien fermées.

— Fichtre ! il ne fait pas chaud ici, murmura Catherine grelottante.

Étienne se contenta de hocher la tête. Il se retrouvait devant le puits, au milieu de la vaste salle, balayée de courants d’air. Certes, il se croyait brave, et pourtant une émotion désagréable le serrait à la gorge, dans le tonnerre des berlines, les coups sourds des signaux, le beuglement étouffé du porte-voix, en face du vol continu de ces câbles, déroulés et enroulés à toute vapeur par les bobines de la machine. Les cages montaient, descendaient avec leur glissement de bête de nuit, engouffraient toujours des hommes, que