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GERMINAL.

mettait la cause de la politique. Elle s’étonna, qu’est-ce que ça pouvait faire à la politique ? Enfin, la pensée lui vint qu’il rougissait de la connaître ; d’ailleurs, elle n’en était pas blessée, c’était tout naturel ; et elle lui offrit de recevoir une gifle devant le monde, pour avoir l’air de rompre. Mais il la reverrait, rien qu’une petite fois, de temps à autre. Éperdument, elle le suppliait, elle jurait de se cacher, elle ne le garderait pas cinq minutes. Lui, très ému, refusait toujours. Il le fallait. Alors, en la quittant, il voulut au moins l’embrasser. Pas à pas, ils étaient arrivés aux premières maisons de Montsou, et ils se tenaient à pleins bras, sous la lune large et ronde, lorsqu’une femme passa près d’eux, avec un brusque sursaut, comme si elle avait buté contre une pierre.

— Qui est-ce ? demanda Étienne inquiet.

— C’est Catherine, répondit la Mouquette. Elle revient de Jean-Bart.

La femme, maintenant, s’en allait, la tête basse, les jambes faibles, l’air très las. Et le jeune homme la regardait, désespéré d’avoir été vu par elle, le cœur crevé d’un remords sans cause. Est-ce qu’elle n’était pas avec un homme ? est-ce qu’elle ne l’avait pas fait souffrir de la même souffrance, là, sur ce chemin de Réquillart, lorsqu’elle s’était donnée à cet homme ? Mais cela, malgré tout, le désolait, de lui avoir rendu la pareille.

— Veux-tu que je te dise ? murmura la Mouquette en larmes, quand elle partit. Si tu ne veux pas de moi, c’est que tu en veux une autre.

Le lendemain, le temps fut superbe, un ciel clair de gelée, une de ces belles journées d’hiver, où la terre dure sonne comme un cristal sous les pieds. Dès une heure, Jeanlin avait filé ; mais il dut attendre Bébert derrière l’église, et ils faillirent partir sans Lydie, que sa mère avait encore enfermée dans la cave. On venait de l’en faire sortir et de lui mettre au bras un panier,