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GERMINAL.

goulument, avalait tout. On dut lui reprendre une pomme de terre pour Alzire.

Alors, Étienne dit qu’il avait appris des nouvelles. La Compagnie, irritée de l’entêtement des grévistes, parlait de rendre leurs livrets aux mineurs compromis. Elle voulait la guerre, décidément. Et un bruit plus grave circulait, elle se vantait d’avoir décidé un grand nombre d’ouvriers à redescendre : le lendemain, la Victoire et Feutry-Cantel devaient être au complet ; même il y aurait, à Madeleine et à Mirou, un tiers des hommes. Les Maheu furent exaspérés.

— Nom de Dieu ! cria le père, s’il y a des traîtres, faut régler leur compte !

Et, debout, cédant à l’emportement de sa souffrance :

— À demain soir, dans la forêt !… Puisqu’on nous empêche de nous entendre au Bon-Joyeux, c’est dans la forêt que nous serons chez nous.

Ce cri avait réveillé le vieux Bonnemort, que sa gloutonnerie assoupissait. C’était le cri ancien de ralliement, le rendez-vous où les mineurs de jadis allaient comploter leur résistance aux soldats du roi.

— Oui, oui, à Vandame ! J’en suis, si l’on va là-bas !

La Maheude eut un geste énergique.

— Nous irons tous. Ça finira, ces injustices et ces traîtrises !

Étienne décida que le rendez-vous serait donné à tous les corons, pour le lendemain soir. Mais le feu était mort, comme chez les Levaque, et la chandelle brusquement s’éteignit. Il n’y avait plus de houille, plus de pétrole, il fallut se coucher à tâtons, dans le grand froid qui pinçait la peau. Les petits pleuraient.