Page:Zola - Germinal.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
LES ROUGON-MACQUART.

cement. Même, il s’était promené déjà avec son successeur, un abbé maigre, aux yeux de braise rouge.

— Monsieur le curé, monsieur le curé, bégaya la Maheude.

Mais il ne s’arrêta point.

— Bonsoir, bonsoir, ma brave femme.

Elle se retrouvait devant chez elle. Ses jambes ne la portaient plus, et elle rentra.

Personne n’avait bougé. Maheu était toujours au bord de la table, abattu. Le vieux Bonnemort et les petits se serraient sur le banc, pour avoir moins froid. Et on ne s’était pas dit une parole, seule la chandelle avait brûlé, si courte, que la lumière elle-même bientôt leur manquerait. Au bruit de la porte, les enfants tournèrent la tête ; mais, en voyant que la mère ne rapportait rien, ils se remirent à regarder par terre, renfonçant une grosse envie de pleurer, de peur qu’on ne les grondât. La Maheude était retombée à sa place, près du feu mourant. On ne la questionna point, le silence continua. Tous avaient compris, ils jugeaient inutile de se fatiguer encore à causer ; et c’était maintenant une attente anéantie, sans courage, l’attente dernière du secours qu’Étienne, peut-être, allait déterrer quelque part. Les minutes s’écoulaient, ils finissaient par ne plus y compter.

Lorsque Étienne reparut, il avait, dans un torchon, une douzaine de pommes de terre, cuites et refroidies.

— Voilà tout ce que j’ai trouvé, dit-il.

Chez la Mouquette, le pain manquait également : c’était son dîner qu’elle lui avait mis de force dans ce torchon, en le baisant de tout son cœur.

— Merci, répondit-il à la Maheude qui lui offrait sa part. J’ai mangé là-bas.

Il mentait, il regardait d’un air sombre les enfants se jeter sur la nourriture. Le père et la mère, eux aussi, se retenaient, afin d’en laisser davantage ; mais le vieux,