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LES ROUGON-MACQUART.

que la première. Maheu parla encore, expliqua que les camarades les envoyaient demander si ces messieurs n’avaient rien de nouveau à leur dire. D’abord, M. Hennebeau affecta la surprise : aucun ordre ne lui était parvenu, les choses ne pouvaient changer, tant que les mineurs s’entêteraient dans leur révolte détestable ; et cette raideur autoritaire produisit l’effet le plus fâcheux, à tel point que, si les délégués s’étaient dérangés avec des intentions conciliantes, la façon dont on les recevait aurait suffi à les faire s’obstiner davantage. Ensuite, le directeur voulut bien chercher un terrain de concessions mutuelles : ainsi, les ouvriers accepteraient le paiement du boisage à part, tandis que la Compagnie hausserait ce paiement des deux centimes dont on l’accusait de profiter. Du reste, il ajoutait qu’il prenait l’offre sur lui, que rien n’était résolu, qu’il se flattait pourtant d’obtenir à Paris cette concession. Mais les délégués refusèrent et répétèrent leurs exigences : le maintien de l’ancien système, avec une hausse de cinq centimes par berline. Alors, il avoua qu’il pouvait traiter tout de suite, il les pressa d’accepter, au nom de leurs femmes et de leurs petits mourant de faim. Et, les yeux à terre, le crâne dur, ils dirent non, toujours non, d’un branle farouche. On se sépara brutalement. M. Hennebeau faisait claquer les portes. Étienne, Maheu et les autres s’en allaient, tapant leurs gros talons sur le pavé, dans la rage muette des vaincus poussés à bout.

Vers deux heures, les femmes du coron tentèrent, de leur côté, une démarche près de Maigrat. Il n’y avait plus que cet espoir, fléchir cet homme, lui arracher une nouvelle semaine de crédit. C’était une idée de la Maheude, qui comptait souvent trop sur le bon cœur des gens. Elle décida la Brûlé et la Levaque à l’accompagner ; quant à la Pierronne, elle s’excusa, elle raconta qu’elle